Identifier Les mots pour le dire de Marie Cardinal (1928-2001) comme un livre déterminant, c’est constater qu’à l’âge de 15 ans je vivais une nouvelle expérience de lecture associée à une gêne et une fascination.

Les Mots pour le dire (Grasset, 1976) est le récit autobiographique de la psychanalyse de Marie Cardinal, née à Alger, professeure de philosophie, romancière et journaliste. En découvrant ce livre – et j’ignore aujourd’hui comment – je comprenais que lire, ce n’était pas seulement entendre des histoires romanesques, distrayantes ou instructives. Lire pouvait être une intrusion dans l’intimité d’un écrivain. Une entrée par effraction encouragée par l’auteure elle-même qui acceptait l’édition de son récit.

En lisant, j’apprenais des choses que je n’aurais pas dû connaître, mais que l’auteure avait choisi de livrer sans retenue. J’étais gênée par ce déballage de sa vie familiale, son père, sa mère, son enfance. Tout ce qui fait le miel de la psychanalyse. Gênée que l’auteure puisse communiquer de telles informations intimes. Et j’étais en même temps captivée par cette libre façon d’écrire sur la chose, comme l’appelle Marie Cardinal, ce mal qui l’empêchait de vivre. Fascinée par cette audace de tout dire. Dire l’intimité de sa souffrance et de sa manifestation corporelle, dire son désespoir et les impasses de sa vie, les confier à l’écriture.

J’étais émerveillée par la manifestation de la vie vivante et épanouie au terme de l’analyse et de son récit. Je prenais conscience de cette écriture libératrice. Me plonger aujourd’hui dans ce livre-cri n’a évidemment plus la même saveur quarante ans après sa première lecture.

Les récits de divan ont été banalisés, notamment avec les textes d’Irvin Yalom, et les recherches sur la bibliothérapie sont maintenant connues. J’ai toutefois été étonnée d’apprendre qu’en 2016 Les mots pour le dire a été adapté, mis en scène par Frédéric Souterelle et joué au théâtre des Feux de la rampe, rue Richer à Paris (09), théâtre aujourd’hui fermé.

Guylène Dubois, octobre 2018, pour Evangile et liberté.

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