Lucas Bielli, psychanalyste à Montpellier et Guylène Dubois, psychanalyste à Sète animent la chronique hebdomadaire Radio divan, pour une psychanalyse populaire. Deux voix pour explorer un sujet psy.

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Extr. de l’émission : la culpabilité

Le sentiment de culpabilité

La culpabilité est un ressenti qui survient lorsqu’on se juge soi-même responsable d’une faute. Dans une approche psychanalytique, Sigmund Freud (1856-1939) s’intéresse à la source de ce sentiment de culpabilité. Le terme employé par S. Freud en allemand Schuld signifie aussi bien la dette que la culpabilité.

L’Oedipe, source de la culpabilité

Pour S. Freud la culpabilité est toujours liée à une situation oedipienne. Je rappelle ce qu’est le complexe d’Oedipe. Il se situe dans l’évolution de l’enfant entre 3 et 6 ans qui éprouve alors un fort sentiment d’amour pour le parent de sexe opposé. Et le sujet en grandissant en garde le souvenir inconscient. A partir de ce constat, Sigmund Freud a eu deux approches du sentiment de culpabilité. Dans la première qui date de 1916-1917, Sigmund Freud parle de la culpabilité qui provoque un mouvement interne de punition, un manquement à la réussite, une réussite que le sujet ne mériterait pas parce-qu’il aurait commis une grande faute. La faute qui serait d’avoir aimé d’un amour interdit alors qu’il avait 3, 4, 5 ou 6 ans. Et Freud a la formule suivante : un sentiment de culpabilité qui lui interdit de jouir de son succès. Ce sont « ces forces de la conscience morale » qui l’ont fait échouer devant le succès, ces forces qui sont « intimement liées au complexe d’Œdipe. »

Le Surmoi

Plus tard, en 1923, S. Freud relie le sentiment de culpabilité à la mise en place de l’instance intérieure et supérieure jugeante, appelée le surmoi. Notons que ce sentiment d’être coupable peut naître alors que la faute est seulement fantasmée.

La réaction thérapeutique négative

Freud va plus loin en expliquant que certains échecs de guérion lors des cures analytiques s’expliquent par ce sentiment de culpabilité. Non seulement des échecs de guérison, mais aussi des agravations au cours du traitement. Au lieu des améliorations raisonnablement attendues. Ce qui pourrait être formulé ainsi dans un discours intérieur : je suis coupable d’une faute même si je n’arrive pas à la décrire, à l’identifier et je ne mérite pas de guérir. C’est ce que Freud appelle la réaction thérapeutique négative. Ce qui l’emporte, c’est le besoin d’être malade. Le patient ne se sent pas coupable mais malade. Dans cette situation, le sentiment de culpabilité entretient la maladie.

Le deuil

Le sentiment de culpabilité se manifeste lors des deuils. Il n’y a pas de deuil sans culpabilité écrit le psychiatre Michel Hanus. Au moment de la perte d’un être proche, le sujet se reproche de ne pas avoir assez aimé, de ne pas avoir assez parlé, d’avoir eu de l’hostilité envers lui etc. Il semble impossible de formuler des reproches à un être aimé décédé.

L’acte criminel

En termes de névrose, la culpabilité inconsciente peut mettre en marche une ambition démesurée en vue de faire mieux que le père, ou encore déclencher une succession d’échecs pour ne pas dépasser le père. Autre phénomène décrit par le philosophe Frederic Nietzsche (1844-1900) est celui du profil de criminels qui passent à l’acte par sentiment de culpabilité. L’acte criminel permet de représenter sa faute. La culpabilité inconsciente ou pas rattachée à une faute s’accroche alors à l’acte répréhensible puis dans le meilleur des cas jugé par la société. Le passage à l’acte permettrait de rendre consciente, de donner une bonne raison de se sentir coupable.

Guylène Dubois, 31 janvier 2023.