On n’est pas bien là ? Paisibles, à la fraîche, décontractés du gland… et on bandera quand on aura envie de bander.

Les Valseuses / Bertrand Blier. dernière scène du film.

Les Valseuses

Nous venons d’entendre les dernières paroles du film de Bertrand Blier sorti en 1974, Les Valseuses. C’est l’histoire de deux voyous Jean-Claude (alias Gérard Depardieu) et Pierrot (Patrick Dewaere) qui entraînent une coiffeuse shampouineuse Marie-Ange (Miou-Miou) dans une cavale à travers la France. Dans leur périple meurtrier, ils croisent dans un train une jeune mère (Brigitte Fossey), une femme Jeanne qui sort de 10 ans de prison (Jeanne Moreau). C’est au volant d’une Citroën DS, sur les routes des Hautes Alpes, au col de l’Izoard, que Gérard Depardieu déclame la phrase On n’est pas bien là ? Paisibles, à la fraîche, décontractés du gland… et on bandera quand on aura envie de bander extraite de la scène finale. Cette comédie noire et érotique reçoit l’adhésion  du public (5,7 millions d’entrée en 1974) et des mauvaises critiques. Je n’évoquerai pas ici le sexisme flagrant du film, en ne retenant que la sexualité décomplexée qui se dégage notamment dans cette dernière tirade.

Les émois de nature sexuelle

En 1895, S. Freud écrit dans ses Études sur l’hystérie : Derrière les phénomènes de la névrose, ce n’était pas n’importe quels émois affectifs qui agissaient, mais régulièrement des émois de nature sexuelle précoces. Il trouve donc  une relation de cause à effet entre le symptôme manifesté physiologiquement, le souvenir d’un traumatisme refoulé et la sexualité. Freud fait de la sexualité infantile le point d’orgue de la compréhension des névroses chez l’adulte. La grande idée freudienne est que la sexualité organise notre psychisme et détermine nos choix amoureux tout autant que nos choix culturels. En 1905, paraissent les  Trois essais sur la théorie sexuelle.

Nous leur apportons la peste

Et en août 1909, accoudé au bastingage du luxueux paquebot le George-Washington, entouré de Carl Jung et de Sandor Ferenczi, Freud en arrivant à New-York aurait prononcé cette phrase devenue célèbre : Ils ne savent pas que nous leur apportons la peste. 

La sexualité polymorphe chez l’enfant

Même si étudier la sexualité humaine au début du 20ème siècle n’était pas chose novatrice, S. Freud en déclarant que celle-ci organise notre psychisme faisait un pas de plus et que la sexualité est ancrée chez l’humain dès son enfance. Il parle de la sexualité perverse polymorphe de l’enfant. Cette expression dit que l’enfant ressent une satisfaction érotique par divers modes. Pour S. Freud, ce développement psychosexuel est normal. Le choix de l’objet sexuel évolue. L’enfant a d’abord une orientation autocentrée, narcissique, puis se satisfait au contact de sa mère, puis s’oriente vers un autre objet que celui de sa mère.   Il va aussi démontrer que cette libido est fractionnée en plusieurs mouvements. Il distingue d’abord le courant génital du courant prégénital, et décompose ce dernier en quatre  stades : le stade oral, alimentation, incorporation, Le stade anal, contrôle, rétention, autonomique, Le stade phallique, associé au complexe d’Œdipe et à l’angoisse de castration, Le stade de latence, lié à la pulsion de savoir. S. Freud identifie enfin le complexe d’Oedipe, cette théorie qui permet de différencier les sexes  à ce stade.

La voie est libre

Le film de Bertrand Blier montre toute la place que prend la sexualité chez ces deux loubards, ces deux grands enfants qui découvrent et expérimentent la bisexualité, le voyeurisme, le fétichisme, le plan à trois. La libération sexuelle transmise naïvement par ces trois grands enfants qui s’en émerveillent est un pied de  nez à la morale sexuelle, que l’on pourrait poser en miroir à celle du 19ème siècle viennois. Dans les Valseuses, non seulement on dit tout, librement, en excluant la censure et on tente tout ce que les circonstances de la vie proposent. Les pulsions sexuelles sont lâchées, livrées à elles-mêmes, dépourvues de toute censure. On bandera quand on aura envie de bander. Et là est la vraie  liberté pour Jean-Claude, Pierrot et Marie-Ange. La voie est libre sur cette route de montagne, au volant de la DS. 

Guylène Dubois, psychanalyste à Sète..

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