Interpréter une citation extraite d’une chanson, sous un angle psychanalytique.

Gilbert Bécaud, On prend toujours un train pour quelque part

Le titre On prend toujours un train pour quelque part interprété par Gilbert Bécaud  est sorti en 1968. Elle est écrite sur une musique de Gilbert Bécaud. Le texte est de Louis Amade, sous le label Dimensions-La Voix de son maître. Louis Amade est poète et fonctionnaire, d’origine catalane, parolier d’Edith Piaf avant de devenir le mentor de G. Bécaud. Amade est décédé en 1992. Gilbert Bécaud est né en 1927 et mort en 2001. Il fut surnommé Monsieur 100.000 volts se présente toujours sur scène avec sa cravate à pois.

Ce que raconte la chanson

Cette chanson raconte les départs, les ruptures, les retrouvailles qui se passent sur le quai d’une gare. Aussi, elle évoque les trains que l’on prend. Elle évoque ceux qu’on laisse et le dernier train que l’on prend jusqu’à son dernier wagon. Et au bout du quai, flottent des mains et des au revoir. Cette chanson raconte aussi que nous sommes toujours en mouvement, en partance vers un lieu, seul ou pas. Elle raconte aussi que nous avons toujours une place dans un train. Ce train évoque la destinée – le train roule sur des rails. Elle évoque aussi le changement, le déplacement d’un lieu vers un autre. 

La phobie ferroviaire de Freud

La locomotive à vapeur fait son apparition en 1804. La psychanalyse naît moins de cent ans après les débuts du chemin de fer. Les paysages sont alors bouleversés par cette invention technologique qui affecte l’environnement.  Freud, quant à lui,  avait une phobie ferroviaire. Il arrivait en avance dans les gares par crainte de rater son train. Les horaires de train sont pour lui un casse-tête. La recherche d’une place dans un compartiment est source d’inquiétude. Il compare les préparatifs d’un voyage au début d’une analyse.

Le temps de l’analyse, le temps d’un voyage

Remarquons que les réflexions de type “Mais on est encore loin ? Quand est-ce que l’on va arriver ? Il reste donc à faire tout ce voyage…  sont similaires à la seconde  phase de l’analyse. Ainsi, Freud utilise la métaphore ferroviaire pour évoquer le dispositif analytique. Pour décrire le concept de l’’association libre en 1913, il utilise l’image d’un voyageur à la fenêtre d’un train. “Donc, dites tout ce qui vous passe par l’esprit. Comportez-vous à la manière d’un voyageur qui, assis près de la fenêtre de son compartiment, décrirait le paysage à une personne placée derrière lui”.

L’analogie du voyage avec la pulsion du ça

Freud fait l’analogie du voyage avec la pulsion du ça. Cette pulsion qui pousse le moi dans une direction qui échappe au contrôle du voyageur. Freud accorde de l’importance au choix de la place dans le train, dans le sens de la marche ou pas. Dans son cadre analytique, l’analyste se soustrait au regard du patient qui lui  expose les éléments du paysage. Freud se définit auprès de Marie Bonaparte comme l’aveugle du voyage. Il confie à sa patiente le soin de lui faire visiter, à travers son regard, la ville de  Jérusalem.

Et le voyageur décrit le paysage non pas à un autre voyageur, mais à une personne. Celle-ci est assise derrière lui. C’est une personne installée dans le même compartiment mais dont la destination n’est pas la même pour les deux personnes. Et c’est là tout l’enjeu du transfert. La personne qui entend la description du paysage qui défile interprète les lieux décrits par le voyageur.

Le temps de l’analyse

Donc, la psychanalyse demande du temps. Mais elle est aussi don de temps. Et le délai, la suspension, l’attente, l’après-coup… sont les pas de cette temporisation, de ces hésitations dont parle Freud dans l’Au-delà du principe de plaisir (p. 312). Le compartiment de chemin de fer évoque ce qui se déroule dans le cabinet du psychanalyste.

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