Photo d’Evgueni Tcherkass. Unsplash

Lucas Bielli, psychanalyste à Montpellier et Guylène Dubois, psychanalyste à Sète animent la chronique hebdomadaire Radio divan, pour une psychanalyse populaire. Deux voix pour explorer un sujet psy.

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Extr. de l’émission : la question de l’avortement.

L’avortement en France est dépénalisé. Depuis 2021, en France, toute femme a le droit d’avorter dans un délai de 14 semaines. Pourtant, une femme qui avorte ressent de la culpabilité. Et l’on voit donc dans cette situation, que la culpabilité n’est pas, dans notre inconscient, dans nos vies intimes en lien avec ce qui est légalement autorisé par la société, ce qui est légitimé par la société. Elsa Godart, dans son essai En finir avec la culpabilisation sociale, explique qu’une femme qui avorte le fait par contrainte. Elle est tiraillée dans un dilemme moral : donner la vie ou ne pas donner la vie car elle ne sent pas en mesure, pas dans la capacité à assumer la responsabilité de cette nouvelle vie, à venir. Rappelons que ce qui fonde la société, c’est l’interdit du meurtre, car la vie est une valeur sacrée. En avortant, une femme est contrainte de faire un choix qui va à l’encontre de cette valeur, et pourtant elle se trouve contrainte de faire cet acte pour des raisons objectives.

La culpabilité, la marque de notre humanité

Et puis, j’aimerai aussi ajouter que la culpabilité est la marque de notre humanité, présente dès les origines de l’humanité. Nous pouvons citer le mythe biblique des deux frères Abel et Caïn, où Dieu préfère le don d’un premier né de ses moutons que lui fait Abel, alors que Caïn lui offre une part de sa récolte. Caïn, jaloux de la préférence de Dieu à l’égard de son frère, tue son frère Abel et il portera la culpabilité de ce meurtre. La culpabilité n’est pas seulement la conséquence de la mise en place du Surmoi, elle est inhérente à la nature humaine. C’est un sentiment d’injustice qui déclenche le meurtre, acte barbare et déshumanisant. La culpabilité nous maintient dans notre dimension humaine. Mais si cette culpabilité nous enferme dans un sentiment mortifère, comme cela est le cas dans la situation de l’avortement, il est nécessaire de retrouver en soi le principe de vie, et le travail analytique peut en être un chemin d’ouverture.

Guylène Dubois, 13 septembre 2022.