Lucas Bielli, psychanalyste à Montpellier et Guylène Dubois, psychanalyste à Sète animent la chronique hebdomadaire Radio divan, pour une psychanalyse populaire. Deux voix pour explorer un sujet psy.

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Pour évoquer la mort en psychanalyse, je choisis la chanson Il faut tourner la page de Claude Nougaro.

Contexte de la chanson

Serge Lama est ce chanteur et parolier français né à Bordeaux en 1943. Cette chanson, Je suis malade est née d’un chagrin d’amour insurmontable. Un jour que Serge Lama confie à Alice Dona son désespoir, elle compose la mélodie et Serge Lama les paroles de la chanson. Je suis malade sort en face A d’un 45 tours mais c’est la face B qui a le plus de succès Les p’tites femmes de Pigalle. C’est à partir de 1976 que cette chanson remporte un grand succès public, chantée a capella à l’Olympia.

Qu’est-ce qui se dit là ? 

Cette chanson évoque la maladie. Une maladie bien particulière car liée au désespoir amoureux, ce qui n’est pas le cas de toutes les maladies. La maladie est un trouble de l’organisme qui provoque son altération, avec de plus ou moins de gravité. Ce qui m’intéresse dans cette chanson c’est le lien que Serge Lama fait avec le désespoir éprouvé lorsque sa mère. Il dit : Je suis malade complètement malade Comme quand ma mère sortait le soir Et qu’elle me laissait seul avec mon désespoir.  Et vous savez Lucas, combien en analyse les retours à la petite enfance, et au lien avec la mère sont précieux. 

En psychanalyse

Ces réminiscences d’émotions de la petite enfance sont riches d’enseignement pour comprendre ce que nous répétons de la souffrance ressentie. Le petit Serge laissé seul par sa mère qui sortait le soir ne pouvait peut-être pas verbaliser cette souffrance. Parce que les mots lui manquaient. Mais les émotions elles sont toujours là, bien présentes, réactualisées au fil de la vie dans des conditions qui peuvent être considérées comme semblables émotionnellement. Et le cabinet de l’analyste est le lieu où l’adulte revit ces émotions d’enfant, et fait le lien avec ce qu’il vit au présent. Dire que la maladie est en lien avec le psychisme signifie que la maladie apparaît à une période de notre histoire de vie où nous sommes plus fragiles, moins enclins à affronter les difficultés, plus faibles. S. Freud n’a jamais prétendu que l’analyse guérit l’homme malade. La guérison vient en plus. L’élimination des symptômes de souffrance n’est pas recherchée comme but particulier, mais, à la condition d’une conduite rigoureuse de l’analyse, elle se donne pour ainsi dire comme bénéfice annexe. La psychanalyse n’est pas une thérapie guérisseuse. La psychanalyse regarde le symptôme comme un élément de langage de l’individu, qui le conduit à avoir une parole libératrice. Pas forcément guérisseuse de la maladie, mais un chemin qui conduit l’humain à une plus fine conscience de lui-même. 

Guylène Dubois, le 24 janvier 2024.