Lucas Bielli, psychanalyste à Montpellier et Guylène Dubois, psychanalyste à Sète animent la chronique hebdomadaire Radio divan, pour une psychanalyse populaire. Deux voix pour explorer un sujet psy.
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Extr. de l’émission : Freud était-il anti-féministe par Guylène Dubois.
Des femmes qui veulent être écoutées
Rappelons-le. Sigmund Freud est né le 6 mai 1856 à Freiberg dans l’empire d’Autriche et mort à Londres en 23 septembre 1939. Il s’installe à Vienne dans les années 1880. Depuis 1867 les juifs obtiennent l’émancipation et malgré un antisémitisme latent, Vienne est une capitale artistique, intellectuelle et culturelle européenne vivante, jusqu’au début de la première guerre mondiale. Dans cette euphorie, S. Freud élabore la psychanalyse en travaillant en 1885 en France avec Jean-Baptiste Charcot, neurologue à l’hôpital de la Salpêtrière, moment clé de son existence. 10 ans après, Freud publie ses Études sur l’hystérie, écrites en s’intéressant aux patientes qui les premières, après l’expérience avec les femmes hospitalisées à la Salpêtrière lui exposent des pensées qu’elles n’avaient jamais osé partagées avec les professionnels de la médecine. Ce sont donc les femmes, ses patientes, d’un niveau social aisé, qui lui apprennent à se taire et à écouter. Citons Anna von Lieben (la « Cäcilie M. » des Études sur l’hystérie), Margarethe Csonka (la « jeune homosexuelle ») qui sont richissimes, ou encore Fanny Moser (« Emmy von N. ») est considérée comme la femme la plus riche d’Europe centrale. Ou encore Marie Bonaparte, arrière petite nièce de Napoléon 1er.
L’Oedipe féminin
Mais, les féministes retiennent et critiquent le travail de S. Freud sur le concept Oedipe féminin. Le concept d’Oedipe est décrit par S. Freud du point de vue du petit garçon, qui a une position ambivalente envers le père et une tendresse pour sa mère, avec tous les jeux croisés d’identification possibles. Dans ce scénario du complexe d’oedipe, tout enfant croit que toute personne est dotée d’un pénis auquel S. Freud accorde la primauté lors du développement psychosexuel commun à la fille et au garçon. C’est en 1933 que S. Freud prend en compte l’attachement pré-oedipien à la mère. Cette vision freudienne du primat du phallus, appelé le monisme sexuel freudien, fait dire que la psychanalyse n’a pas les outils pour éclaircir les questions de l’identité, qui ne se mesurerait qu’à l’aune d’avoir ou pas un phallus. Pourtant, sans le discours freudien sur la sexualité qu’il a voulu rendre accessible à tous en donnant des conférences publiques, sans sa vindicte à ne pas opposer le psychisme à l’organique, à ne plus considérer l’hystérie comme l’apanage des seules femmes, sans jamais ne vouloir porter de jugement moral sur les pratiques sexuelles, S. Freud a permis de penser librement le développement de la sexualité chez l’être humain. Il a aussi différencié le féminin comme structure psychique, présente chez le garçon comme chez la fille, de la féminité qui est de l’ordre du devenir de la sexualité de la femme.
Mais, Pour Freud, la femme est un continent noir. En disant cela dans les années 30, il avoue une incapacité pour lui à explorer la sexualité féminine. Même si Freud a contesté l’universalité de l ‘angoisse de castration, la fille ne pouvant en être atteinte, il considère que la fille et le garçon ont jusqu’à ce stade le même développement. Et il faudra les travaux de Melanie Klein puis ceux notamment de Janine Chasseguet-Smirgel ou d’André Green pour considérer la spécialité de la sexualité féminine, qui ne peut se réduire à une analyse par le manque de pénis et à la recherche d’un idéal qui serait de posséder cet organe. La différence du développement entre filles et garçons est à chercher du côté de leur attachement spécifique à la mère. Pour M. Klein, le désir oedipien vient de la frustration éprouvée à l’égard du sein maternel. Cette frustration conduit la fille à se tourner vers une autre satisfaction, qui serait obtenue avec le père. Pour que cette transition se passe bien, les relations entre le bébé notamment fille et sa mère sont déterminantes.
La femme, un continent noir
Ainsi, traiter de Freud d’anti-féministe est injuste. Cet homme né en 1856 a ouvert la réflexion sur le développement psycho-sexuel. Les batailles sociales et revendicatrices sur la place des femmes dans la société, leur difficulté à obtenir gain de cause sur l’égalité sociale entre les hommes et les femmes sont d’ordre culturel et sociétal et non psychanalytique