Lucas Bielli, psychanalyste à Montpellier et Guylène Dubois, psychanalyste à Sète animent la chronique hebdomadaire Radio divan, pour une psychanalyse populaire. Deux voix pour explorer un sujet psy.

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Extr. de l’émission : la haine

La haine

Pour le dictionnaire Le Robert, la haine est un « sentiment violent qui pousse à vouloir du mal à quelqu’un et à se réjouir du mal qui lui arrive ». Quand on parle du sentiment de la haine en psychanalyse, c’est la pulsion de mort qu’il faut invoquer.

La pulsion de mort

C’est en 1920 que la notion de pulsion de mort apparaît dans l’oeuvre de Sigmund Freud (1856-1939), juste après l’abattoir de la 1ère guerre mondiale. En 1932, dans une conversation avec Albert Einstien (1852-1931) Pourquoi la guerre ? le psychanalyste réaffirme sa conviction que « nous possédons en nous un besoin de haine et de destruction » et il poursuit en disant « il n’y a aucun sens à vouloir supprimer les penchants agressifs des hommes ». Face à ce constat, S. Freud développe l’idée que « tout ce qui promeut le développement de la culture travaille contre la guerre. » Mais cela ne suffit pas. Les sombres années européennes 1939-1945, mais aussi les inombrables lieux de guerre et de destruction le montrent. Alors, dit-il, il est nécessaire de renforcer en chaque individu la pulsion de vie Eros.

La pulsion de vie

Eros versus Thanatos. Renforcer Eros. « Tout ce qui instaure des liens d’ordre sentimental entre les humains ne peut contrecarrer la guerre… Tout ce qui forge d’importants traits communs convoque pareils sentiments partagés, c’est-à-dire les identifications. » continue S. Freud dans son dialogue avec Albert Einstien. Jacques Lacan (1901-1981) vient renforcer cette idée en disant : La haine de l’autre est une haine de soi. Ou encore quand la philosophe et psychanlayste Hélène L’heuillet dit que la haine est une demande d’amour inversé, il est bien question là-aussi du sentiment d’amour qui n’est pas rempli et le manque d’amour provoque le sentiment de haine pour éviter la disparition, l’anéantissement de la relation à l’autre, de l’identification à l’autre.

Les identifications

Et une des fonctions de la psychanalyse est justement celle-ci. Rechercher les identifications qui nous ont construit. S’identifier c’est chercher dans le rapport à l’autre sa propre identité. C’est dans l’intersubjectivité que l’amour est plus fort que la haine. J’existe en tant qu’humain par la relation que j’ai avec l’autre. Et c’est l’autre qui fait que je m’aime et que je l’aime, et que l’amour submerge la haine de l’autre et de moi.

Un sentiment d’impuissance

La haine est aussi perçue comme un sentiment d’impuissance lié à « l’impossibilité de construire une relation satisfaisante avec l’autre. La haine ne serait donc pas le contraire de l’amour mais surgirait dans la relation par impossibilité d’être en relation, ou encore par la négation de la relation, la négation de soi et de l’autre. Comme cette situation de perte n’est pas pensable, le sentiment qui permet de maintenir le lien serait celui de la haine.

Mélanie Klein

Pour la psychanalyste Mélanie Klein (1882-1960), l’enfant, le bébé ressent l’amour et la haine dans une égale mesure, à l’égard de sa mère ou de la personne qui a une fonction maternelle auprès de l’enfant. Pour Mélanie Klein et pour Sigmund Freud, la haine prendrait sa source dans la frustration ou la menace d’un danger. Ces deux situations engendrerait des angoisses très précoces. Face à des besoins primitifs qui ne seraient pas satisfait, la réponse qui surgirait serait des tendances à la destruction pour se préserver, pour se maintenir en vie. Ces tendances évoluent avec l’évolution de l’enfant en fonction des réponses apportées par l’environnement. Si les réponses sont satisfaisantes, une identification d’amour va supplanter cette haine, qui n’aurait plus raison d’être.

Guylène Dubois, 3 janvier 2023.