Lucas Bielli, psychanalyste à Montpellier et Guylène Dubois, psychanalyste à Sète animent la chronique hebdomadaire Radio divan, pour une psychanalyse populaire. Deux voix pour explorer un sujet psy.
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Extr. de l’émission : le silence.
Le silence de l’analyste
La question du silence de l’analyste est souvent sujet à rire. Pourquoi l’analyste garde-t-il le silence ? Ecoute-t-il vraiment ? N’est-il pas en train de dormir ? Est-ce qu’il n’a donc rien à dire ? Le silence fait partie du cadre de la séance d’une cure. L’analyste garde ce silence pour que l’analysant prenne toute sa place.
Le silence dans le cadre thérapeutique
En 1913, Sigmund Freud est catégorique : c’est au patient de choisir le sujet dont il va parler. Le silence est constitutif de la technique analytique. Dans une séance, l’analyste fait silence, n’impose pas sa parole pour laisser libre cours à la parole de l’analysant. Libre cours, c’est exactement cela.
L’association libre
Le silence se conjugue avec l’association libre. L’analyste fait silence pour ne pas interférer avec la libre association que l’analysant produit, exprime. Pour ne pas interrompre les idées associées librement. Si l’analyste interfère avec ses mots, l’expression de son univers mental, il brise cette expression continue, casse la cohérence de la construction de la parole de l’analysant. Toutefois, entre faire silence et ne pas intervenir, il y a un écart. L’analyste fait silence, au tout début de la séance pour laisser poindre chez le patient un événement, un souvenir, une image.
Des silences
C’est le silence de l’installation des mots. Le silence de la dépose. Puis il y aurait le silence de l’attente, Un silence qui fracture les phrases. Parce qu’elles ne peuvent être enchaînées les unes aux autres. Un silence qui sépare les idées, les mouvements de la pensée qui vire et qui retourne, fait une marche arrière, reprend de la vitesse. Des silences qui attendent le mot qui veut être juste, en adéquation avec la pensée. Un silence qui attend que la pensée s’élabore pour mieux s’offrir à la communication avec l’autre, à l’expression de soi. Et le silence de cette écoute laisse la place aux bruits du corps et de la résonnance qui suit le son du mot prononcé. Un silence qui explore les recoins où viennent se loger les réactions non verbalisées. Le silence de l’analysant qui s’insère dans la narration d’un récit. Un silence qui arrête, stoppe le récit, car il y a de la difficulté à continuer de parler.
L’attention flottante
Et puis le silence de l’analyste va de pair avec son attention flottante. Qui aide d’abord l’analyste à mémoriser ce qui est dit par l’analysant, et pour Jacques Lacan qui permet à l’analyste d’être à l’écoute des sons ou phonèmes, des mots, des locutions, mais aussi les pauses, les coupes, périodes et parallélismes. On pourrait dire qu’il y a d’un côté l’association libre mise en route par l’analysant, et de l’autre l’attention flottante de l’analyste. L’un sort du silence, l’autre prend en compte le silence. Comme le dit Claude Bolzinger, dans son article La voix du silence en psychanalyse, dans Sigila, 2012/1, n° 29, p.59 à 69. L’analyste est cette voix qui brise le silence par une question. Il donne voix à l’affect enkysté dans le silence. Tant que le récit, donné par la technique de l’attention flottante, ne peut être narré dans le silence du cabinet de l’analyste, la souffrance reste bruyante et invasive.
Guylène Dubois, 22 novembre 2022.