Le Before de l’Eglise protestante unie de Montpellier, et précisément à Jacou c’est une façon de rentrer dans un culte protestant sans y être préparé. C’est une pause spirituelle, musicale, biblique et méditative menée par la pasteure Emeline Daudé et sur le plan musical par la pasteure Agnès Daudé. Ce soir du 23 avril 2022, ce temps de culte particulier a duré une heure, au lieu des deux heures habituelles. Il se déploie sans la prédication, centrale dans le temps liturgique protestant. Le centre, c’est le groupe musical de l’ensemble Entre Gardon et Vidourle, situé dans le consistoire de Piémont des Cévennes, autour de Saint-Hippolyte du Fort, qui l’occupe. Un clavier, un violon, une basse, deux chanteuses portent ce moment. La pasteure Agnès Daudé orchestre l’ensemble auquel il manque un nom de scène, mais cette recherche d’identité musicale et artistique est en cours. Émeline Daudé prévient que nous sommes dans une église, et que le banquet se déroule cette fois-ci dans la salle attenante, qui est celle qui tient lieu de temple le dimanche. Trois enfants jouent sur les marches. Pas de prédication dans ce Before mais un partage biblique présenté par la présidente du Conseil national de l’Eglise protestante unie de France, la pasteure Emmanuelle Seyboldt, invitée pour la conférence qui suit sur l’Art de vivre ensemble, le Carrousel, une maison par tous. Émeline Daudé prévient que les chants sont destinés à être chantés par tous·tes, et de fait les textes sont tous visionnés sur le mur. La pasteure nous invite à nous laisser porter par la musique dans ce temps à part. L’orchestre apporte un chant vivant et entraîne l’assemblée – des pieds battent la mesure et les corps esquissent un balancé – autorisée à chanter faux. Les chants, plus exactement les chansons proposées appartiennent au répertoire de la chanson profane du répertoire francophone (comme la chanson de Jacques Brel, Quand on a que l’amour ou encore Pour qui tu cours ? Quelle est ta flamme ?) et les titres annoncés en anglais (Mercy) ont leur texte projeté en français et sont traduits par Agnès Daudé. Les musiques et les chansons occupent la moitié du temps du Before. L’autre moitié se décompose en un temps de recueillement. Dans cette invitation à la méditation, nulle mention faite à Jésus, la Bible, ni de paroles liturgiques gravées dans le marbre d’un déroulé du culte dominical luthéro-réformé. Les mots appellent au silence, à l’intériorité, à la tranquillité, à ce temps offert à soi-même et à une présence divine, celle qui dépasse notre condition humaine. Le temps de partage biblique porte sur l’histoire de l’aveugle qui recouvre la vue au début du chapitre 9 de l’Évangile de Jean. Émmanuelle Seyboldt donne quelques indications de discussion sur le texte avant que l’assemblée ne se divise en groupes de 5 à 6 personnes. Chacun·e se tourne vers ses voisin·es et les échanges commencent. Vingt minutes sont laissées à la discussion avant le retour en communauté. Aucun retour des partages. Ce n’est pas le lieu d’une étude biblique, c’est une rencontre autour d’un questionnement apporté certes par l’Évangile, mais où le centre reste la rencontre avec l’autre, et passe avant le texte étudié. Pas de contrôle de la compréhension du texte par l’autorité savante, pastorale. Les paroles échangées, la discussion, la réflexion partagée sont centrales et sont la marque et l’empreinte du Before. Et la ligne directrice, c’est cela. La place de l’humain avant le cadre écclésial, la communauté vivante et rassemblée avant l’histoire, la tradition et le dogme d’une Église. Ne serait-ce pas là un chemin à trouver pour vivre et donner envie de vivre en communauté chrétienne, de conviction protestante ?
La conférence d’Émmanuelle Seyboldt qui a suivi le repas partagé – un bortsch – porte sur L’art de vivre ensemble, en parallèle avec l’installation en 2023 du Carrousel, qui est un de ces lieux où peut s’élaborer une parole de vie, ce lieu qui a été pensé comme un lieu créé par tous ses participants pour un mieux vivre ensemble, où la parole va circuler. Il a été aussi beaucoup question de l’humiliation dans l’intervention d’ Émmanuelle Seyboldt qui cite à cet égard le dernier ouvrage du philosophe et éthicien protestant Olivier Abel, De l’humiliation publié aux Liens qui libèrent. La conférencière insiste sur la nécessité de retrouver le sens de la reconnaissance et de la gratuité, celui de l’attachement, de la dignité de l’humain. Son intervention a fait réagir les nombreuses personnes présentes à cette soirée.
Guylène Dubois, pour le CEhttps://lecep.presseregionaleprotestante.info/P, 26 avril 2022.
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