Lucas Bielli, psychanalyste à Montpellier et Guylène Dubois, psychanalyste à Sète animent la chronique hebdomadaire Radio divan, pour une psychanalyse populaire. Deux voix pour explorer un sujet psy.
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Chanson sur la violence Antisocial / Trust.
Alors, qu’est-ce qui se dit là ?
Le contexte de la chanson
Anti social est une chanson du groupe de hard rock français Trust. Elle est parue sur le deuxième album de Trust, Répression, en 1980. Retenons les paroles suivantes de cette chanson : Tu bosses toute ta vie pour payer ta pierre tombale, Tu marches tel un robot dans les couloirs du métro Impossible de violer cette femme pleine de vices Antisocial, tu perds ton sang froid. Ces paroles témoignent d’une adaptation nécessaire à la vie en société, au renoncement à ses pulsions sexuelles, et à la non-compensation sociétale à ce renoncement.
Interpréter la citation
Je vais tenter là de comprendre la violence avec les outils de la psychanalyse. Comprendre est sûrement un premier pas pour trouver des solutions. Trouver des solutions à la gestion de la violence est une autre étape et ne relève peut-être pas de la psychanalyse.
Quand S. Freud écrit en 1921 dans Psychologie des masses (p. 123) que “la psychologie individuelle est aussi d’emblée et simultanément, une psychologie sociale”, il signifie que la violence commence dans le lien à l’autre et rejette l’idée qu’elle serait instinctuelle, organique ou biologique. Ce qui la distingue de l’agressivité. Si on considère que la violence apparaît dans le lien social, c’est donc que les contraintes liées au cadre social sont une force considérée comme une violence.
Chez F. Freud, la violence serait à la fois le prolongement d’une animalité primitive chez l’homme et en même le résultat de la dé-naturation de l’homme par la civilisation. Une société civilisée règle les rapports des hommes entre eux par le renoncement pulsionnel de chacun. Ce renoncement pulsionnel concerne les pulsions sexuelles et la pulsion de mort (pulsion d’agression et de destruction) et ce renoncement doit être compensé par une satisfaction. Ainsi, le droit se substitue à la force, la politique à la guerre, et le Surmoi et la morale à la pulsion agressive. La violence, c’est donc l’exercice direct, brutal de la force pour obtenir ou pour maintenir une emprise sur l’autre sous forme de l’agression, de la domination, de la haine et de la destruction. Et le lien avec la pulsion de mort freudienne est évident. Le paradoxe de la violence est donc qu’elle est contenue dans le lien social et elle se définit par-rapport au lien social. L’individu est violent envers qui et pourquoi ? Les psychanalystes Sidi Askofaré et Marie-Jean Sauret ont identifié 4 types de violence sociale : celle qui institue le lien social, la violence dans son statut d’acte ; la violence qui défait le lien social, c’est le passage à l’acte ; et la violence qui remet en question le lien social et en institut un nouveau. C’est le statut d’acting-out. Ainsi, pour comprendre les phénomènes de violence, le psychanalyste va les appréhender à partir de leur fonction dans le lien social.
Pour un psychanalyste, la violence a une fonction de symptôme dans le lien social. Et le premier lien social est celui de l’enfant avec la mère, et la première attaque de ce lien est l’interdit de linceste.
Conclusion
La question de la violence agressive, destructive est insupportable. La psychanalyse n’est pas là pour la juger, mais pour en faire jaillir les racines. A la lecture de ces deux auteurs, Sidi Askofaré et Marie-Jean Sauret, les pulsions d’agression et de destruction, à l’œuvre dès notre venue au monde, sont les germes de la violence sociale.
Émission inspirée de l’article d’ Askofaré, Sidi, et Marie-Jean Sauret. « Clinique de la violence Recherche psychanalytique », Cliniques méditerranéennes, vol. no 66, no. 2, 2002, pp. 241-260.
Guylène Dubois